Résistance

Kerbern : l’ancien résistant revient sur son cantonnement de 1944

Raymond Birrien, ancien résistant, lors de la remise de la Croix du Combattant

En juillet 1944, un avion allié, guidé par les lumières des maquisards, a parachuté des containeurs d’armes dans une prairie du village de Kerbiquet, sur la commune de Gourin. Les résistants vont passer une partie de la nuit à les récupérer, avant de les cacher, puis de les charger sur une charrette qui sera conduite par un chemin creux jusqu’au village de Kerbern, en passant par Sainte Julienne. Arrivés sur place la trentaine de membres de la compagnie Jean Le Couttaler, va cantonner avec le chargement dans une longère désaffectée. Parmi eux un tout jeune homme âgé de 18 ans qui a rejoint les maquisards en juin 1944, Raymond Birrien.

La rafle du 9 mai

« J’ai été arrêté par les allemands lors de la rafle du 9 mai, l’une des plus importantes de la région », raconte Raymond, l’un des derniers résistants gourinois. Il est 5 h du matin, ce jour-là quand la gestapo sort M. Henaff, secrétaire de mairie de son sommeil. Puisque M. Rodallec, qui faisait fonction de maire, n’est pas chez lui, il lui est ordonné que les hommes âgés de plus de 16 ans, doivent se regrouper immédiatement sur la place de la Victoire. Un tambour circule dès l’aube dans la ville, quadrillée par 300 soldats allemands, pour transmettre l’ordre. Rares sont ceux qui peuvent fuir. Plusieurs centaines sont arrêtées, rassemblées et triées sur la place. 400 sont embarqués dans des camions vers Carhaix, après avoir été interrogés et fouillés. Une quarantaine d’entre eux est maintenue en captivité. Le reste est libéré par petits groupes dans les jours qui suivent. Ceux qui n’ont pas été embarqués, stationnent sur la place tenus en joue par plusieurs mitrailleuses, jusqu’à 14 h. Puis ils sont relâchés.

Evadé

« Après Carhaix, je risquais de partir pour l’Allemagne », poursuit Raymond. « Mais comme j’étais parmi les plus jeunes et les moins costauds, j’ai été dirigé sur le fort de Montbarey à Brest ». Dans la journée il travaillait à l’arsenal et c’est de là qu’il s’est évadé, le 7 juin, soit le lendemain du débarquement de Normandie. « Un responsable m’a dit de prendre la poudre d’escampette pour éviter d’être envoyé en Allemagne. Il m’a fait un bon de sortie, m’a demandé de le poser au poste de garde et de filer tout droit sans me retourner ».

Résistant

Le fugitif a alors pris le train jusqu’à la gare de Pont Triffen, à Spézet, où il a rencontré un groupe de résistants qui l’a conduit Jusqu’à Toulaëron, aux portes de la capitale des Montagnes Noires. « J’ai alors rejoint le maquis de Gourin », précise l’intéressé. « Mes parents n’ont jamais su que j’étais là, ceci pour ma sécurité bien sûr et celle de mes camarades, mais aussi pour la leur ».

La poche de Lorient

Il se souvient d’une mission contre un convoi d’une cinquantaine de véhicules sur la route du Faouët. « Nous devions tirer sur le véhicule de tête mais personne n’a pressé sur la détente, car le convoi d’une cinquantaine de camions était trop imposant par rapport à nous, et c’était la mort assurée ». Nous sommes rentrés sur Gourin, puis je suis parti à Paimpol avec une section commandée par Sam Février. Pas la suite nous avons rejoint le front de Lorient, car les allemands basés sur le secteur rentraient sur La ville portuaire ». Après la guerre il a été intégré dans l’armée régulière faisant partie des forces qui ont occupé l’Allemagne (à côté de la Forêt noire). Il y est resté trois mois puis il a été démobilisé. Il est rentré à Gourin où il a poursuivi sa carrière de menuisier.

Le Drapeau retrouvé

Raymond n’était jamais revenu au village de Kerbern. Sauf que, récemment, il lui est venu à l’esprit d’aller voir ce qu’était devenu la longère qui avait abrité sa compagnie. Elle appartient, depuis une vingtaine d’années, à la famille d’Anthony Le Duigou, un passionné par les reconstitutions historiques de la 2e guerre mondiale, connu notamment pour avoir rénové une traction de 1952. Il a défilé avec son véhicule lors du rassemblement de 2015, organisé à Gourin, par les Amis de Bretagne 44, dans le cadre du 70e anniversaire du souvenir de la libération de la ville. « C’est incroyable car lorsque j’ai rénové la vieille bâtisse, j’ai trouvé un drapeau français, caché à l’angle d’un pignon », s’enthousiasme Anthony. « Je sais maintenant qu’il appartenait au groupe de Raymond Birrien ». Les deux hommes ont alors immortalisé leur rencontre en posant à côté de la longère qui a abrité les FFI, avec le drapeau retrouvé et la traction, symbole d’une époque qui n’est pas si lointaine.

Groupe de résistants de Gourin avec le drapeau, 1944